mercredi, décembre 15

Mercredi 15 décmbre 2010

Il a neigé.

Depuis octobre, des tours et des détours qui s'entremêlent. Des je ne sais plus qui se croisent, qui s'allongent. Du noir, jusqu'au bout du noir. Puis, il a neigé. Fait froid lorsqu'on sort, on est mieux à l'intérieur.
Trop froid ou pas assez. Un pas puis un autre, chuter. Se laisser tombr. S'aggripper et s'écorcher. Penser à Resnais, à la cave, à Hiroshima. S'agripper comme un chat et se faire saigner de douleur.
Marcher. Il fait froid, ce n'est pas grave. Marcher dans la nuit. A six heures du matin, on croise des silhouettes étranges. Ne pas s'arrêter, aller jusqu'au bout, respirer, ne plus savoir, suivre ses pieds.
Il fait plus chaud à l'intérieur. Je ne sais pas ce que je fais là, eux non plus. Mais elle m'offre une chaise, un moment de silence, pas loin d'elle. Un thé fumant et un gros pull en laine. Ils descendent et vivent. Juste là, sous mon nez.
Je les observe.
Avoir mal. Drôle de sensation. Une impression de déjà vu. Se débattre pour trouver le bout, échanger un regard fuyant, se réfugier au creux d'un silence.
Chut.
Il fait si froid.
Y retourner, se forcer. Etre là, sans y être. Regarder le train qui n'arrive pas, à six heures et demi. La journée passe et me dépasse. Continuer, tête baisser. Tant pis. C'est mieux que rien.
Est-ce mieux?
Hésiter. Je ne sais pas. Je trébuche, encore.
Je hurle de ne plus savoir. Je suis à terre, mais il n'est pas loin. Tout près, il me retient et pas du bout de la main. Il m'entoure, à côté. Il me porte et me soutient.
Dormir.
"Dormir, mourir, rien de plus" disait Hamlet.
Mais non. J'ai assez dormi.
Et si j'arrêtais?
Folie pure. Et pourtant...
J'arrête.
Avancer, ne plus dormir, faire autre chaose, changer, changer pour pouvoir se relever au fur et à mesure.
Me reconstruire. Mettre un pieds devant l'autre, de nouveau. J'ai les jambes qui tremblent mais je sais qu'ils sont pas loin derrière pour me rattrapper si elles me lachent. Avancer. Lentement mais sûrement comme dirait l'autre. Etre sur de rien, et puis quoi?
Se perdre dans les détours indénombrables, emprunter des chemins de traverses, me laisser guider par les rues qui me donnent envie.
Pourquoi pas? Tous les chemins menent à Rome il me semble.
Affronter le reste. Le reste ou moi même? Peut-être un peu des deux. Se taire et dire.
Ne pas savoir ce qu'il y a au bout, tant pis. Il faut y aller.
Nécessité de se voir faire pour faire, au moins au début. Se lancer dans des projets encore inconnus. Reprendre goût et avoir envie de...
Etre et arrêter de ne pas être. Ne pas fuire, surtout pas.

Puis il a neigé. Je suis restée assise sur le bord, à l'attendre. Les flocons de neige qui tombaient sur mes baskets et sur mon menteau laissaient paraître leurs articulations, leurs fines articulations fragiles et pourtant... De gros flocons.
"-Vous attendez le soleil? Me demande un vieux monsieur qui marche dans la rue noire et silencieuse de la tombée de la nuit.
-Non, je regarde la neige pendant qu'elle est là..."
Il ne viendra pas, il m'a appelé. Je rentre à la maison en souriant. Glacée.
C'est agréable d'être dehors.
Par la fenêtre, le jardin est tout blanc.

Depuis octobre, il a neigé.

Kanaillou