mercredi, mars 17

Mardi 17 mars 2009

"Peut-être que nos mots sont la seule terre où l'on peut s'établir"

Je m'arrête un instant dans le vide qui m'entoure pour écouter le silence. Il résonne de mots écorchés.
Je me recroqueville près de la chaleur douce.
Face à face avec ce qui refuse l'éphémère. Je me perds et je cherche de l'aide dans les mots. Je me laisse porter par des bouts de phrases reconnues.
Je respire le printemps. Les premières fleures apperçues sur la pelouse du lycée.
Rien à faire.
Je cherche et ne trouve pas. Juste un moment de calme qui n'arrive pas à s'établir. JE perds mes moyens, me retourne tente de sourire.
Juste un refuge, un endroit où je puisse être sûre de ne pas savoir. Etre sûre des doutes qui ne me lachent plus.
Me débarasser de ce truc qui me colle à la peau, d'un regard perdu qui ne sait plus où trouver du vide.
Me débarasser d'un trop plein de rien qui s'étend tout autour.
Me débarasser d'une colère qui ne peut pas hurler.
Réussir à pleurer.

"Pleure, les larmes sont les pétales du coeur"

Mais les fleurs me paraîssent si loin. Leurs pétales ne veulent pas se laisser bercer par le vent. Elles restent agripper sans pouvoir voler.

Rien d'autre qu'un instant de noir. De vide.
Je ne reconnaîs plus. Peut-être que je ne veux plus reconnaître.
Incapable de trouver quelquonque marque dans ces traces inachevées. L'inachèvement de paroles qui s'accumulent et des mots qui s'entassent. Le silence d'une musique qui reste dans sa boîte.
L'incompréhension d'un instant qui en veut pas être compris.

Kanaillou

mercredi, mars 3

VOYAGE EN RUSSIE -du 18 au 25 février 2010-

SAINT PETERSBOURG


Une semaine.

Tout à l’heure, au téléphone, je disais à Al. Que j’avais l’impression d’avoir passé un mois là bas, tellement nous avions fait de choses. Et pourtant, tout a passé si vite…
Rencontrer, partager, découvrir, s’émerveiller, s’émouvoir.
Voyager.

A peine arrivé, l’odeur est différente. Il me semble que dans un pays étranger, tout commence à la sortie de l’avion. C’est là que l’odeur du pays se dévoile. Là qu’à travers quelques vitres, juste avant d’être à l’intérieur, se dérobe quelques bout du dehors.
Un aperçu bref, juste le temps de ne pas encore se rendre compte que l’on est ailleurs.
En groupe, il faut se suivre, s’attendre. L’impatience de sortir enfin, d’arriver à l’extérieur et de découvrir ce qui est différent.
Mais attendre. Echanger quelques mots, quelques sourires. Des silences d’attentes ou des regards qui ne font que se croiser. Comme un « je ne sais pas, on verra » qui passait de l’un à l’autre.
Premiers pas sur le sol russe. « Eh, c’est tout blanc ». Les valises tirées à bout de bras, on manque plusieurs fois de glisser. Il fait froid. On rit. On rit d’être arrivé, on rit des premières sensations. On rit d’avoir froid. On rit d’être content d’être là.
A travers la fenêtre du bus, les premiers mots de la guide, Olga, qui résonnent dans ma tête fatiguée du voyage.
L’entre deux. Emerveillée, à moitié endormi par le rythme de la parole d’Olga et bercée par le bus. Emmitouflée dans ma doudoune, je rêvasse.
Rêver au creux d’un temps égaré.
Il faut ressortir. Le froid est dur. Il y a un tas de personnes inconnues dehors. Des visages se mettent sur les noms des fiches que nous avions reçues par mail. Les familles s’approchent d’Olga et de Ekaterina, la prof de français. On nous appelle un par un. J’entend mon nom et là, je crois que je ne vois plus rien à part le blanc de la neige. Des bises échangées avec Lirina, ma correspondante et sa sœur. Elles me tirent, je n’ai pas le temps de me retourner que j’aperçois déjà au loin une femme qui par la fenêtre fait de grands signes. Un petit trajet, la valise tirée comme je peux dans la neige, des silences de ne pas savoir trop quoi dire ou de ne pas réussir à se comprendre.
Une traversée au milieu d’immeubles gigantesques. Les appartements russes.
On arrive en bas. Un jeune homme vient nous ouvrir. C’est Boris, le frère de Lirina. Il prend ma valise, nous on prend l’assenceur. Arrivée en haut, au cinquième, la porte est déjà ouverte. A peine ai-je fait un pas que Svetlana, la maman de Lirina me prend dans ses bras. J’enlève ma doudoune, mes chaussures. Direction la cuisine.
Tout se mélange. Le français maladroit de Boris qui se mêle à de l’anglais. Le russe de la mère qui me regarde en souriant.
Je ne sais plus où je suis. Les yeux écarquillés tout se passe comme dans un monde à part.
Je ne sais plus trop. Je crois que j’ai du répondre aux questions posées, envolées.
Je suis allée me coucher. Lirina a dit qu’elle me réveillerait le lendemain.

Cette première journée a été le démarrage. Le commencement. Le temps d’arriver, ou plutôt le temps de ne pas se voir arriver, de ne pas se voir là. Puis le lendemain, je me réveille ailleurs, dans une chambre qui n’est pas la mienne. Par la fenêtre, tout est blanc. Dans la cuisine, le petit déjeuner est déjà servi.
La soirée de la veille encore en mémoire. Je me souviens d’avoir vu des lieux, des salles, des couleurs. Je me souviens de bribes de conversations échangées à bout de lèvres. Je me souviens d’une chambre prêtée. De grands sourires.
Je retrouve les sourires, au petit matin. Un petit déjeuner de tartines de rillettes, de fromage. Du thé. Du thé vert.
Le thé vert. « Pourquoi pas du thé noir ? » me demandais Svetlana.. « Tu n’aime pas ? »
« Si, mais je préfère le vert. ».
Alors à chaque fois, mes doigts se collaient contre la tasse brûlante de thé.
Une semaine extraordinaire.

L’envie de vouloir tout partager, tout dire et l’impression qu’on ne peut pas en raconter la moitié.
Tout revient par bribes, une fois de retour.
Il y a eu des musées. Le musée russe, le musée du siège de Leningrad.
Le siège de Leningrad et une phrase qui reste. Juste un souvenir reconstruit. La guide nous racontait que la radio devait toujours être allumée et que, quand il n’y avait pas d’alertes, un bruit, celui d’un métronome.
« On disait que c’était les battements du cœur de la ville ».
A écouter le tic tac régulier, je me retrouve quelques instants plongés dans un passée qui m’échappe.
L’Ermitage. A peine entrée, je suis impatient d’y être.
« Pour passer trente secondes devant chaque œuvre de ce musée, il faudrait neuf ans. »
Je ne vois pas les quatre heures passer. Il y a tant de choses. D’une salle à l’autre, j’écoute attentivement Olga qui nous explique quelques tableaux.
Le passage dans la galerie des impressionnistes. Gauguin, Picasso, Degas, Renoir… Je ne sais plus. Des couleurs qui se mélangent. Je tourne, retourne.

Il y a eu les Eglises. Et la plus grandes, « Saint Sauveur sur le Sang versé ». Eglises orthodoxes dans lesquelles l’on peut admirer des icônes, la beauté de l’architecture, des mosaïques fines qui sont immenses.

Il y a eu les ballades dans Saint Peters bourg. Sentir la ville sous nos pieds. Il a beau faire froid, c’est agréable de se promener dans une ville inconnue. Tout est si grand. Les bâtiments, les avenues…

Des journées, bien remplies. Peu de pauses. De beaux moments.
Les déjeuners partagés. Découvertes culinaires. A une table, on s’échange les moments passés dans nos familles.
On se rencontre, on se découvre, on se retrouve.
E. qui me dit « Paprika ». Deux ans qu’elle ne m’avait pas appelée comme ça.

Je crois que malgré les visites, la découverte de la ville, le cœur de ce voyage, ça a été la famille.
J’ai découvert la Russie à travers eux.
Après les journées de visites, ne pas aller se coucher tout de suite pour profiter un peu. Parler. Parler. Parler. Bafouiller, quelques fois, ne pas se comprendre. Rire de ne pas réussir à se dire. Le traducteur qui de temps en temps aide, un peu.
Se faire découvrir de la musique, quelques trucs par ci, par là.
Le dimanche, ils m’ont emmenés dans leur « Datcha », leur maison de campagne. Arrivés, il y avait un mètre de neige à peu près. Moins trente degrés. Le temps que ça chauffe à l’intérieur. Un BarbeQ dans une petite cabane alors qu’il fait mois trente dehors. Quelques photos, des vidéos. La petite télé allumée.
On essaie de voir quelles séries nous connaissons toutes les deux avec Lirina.
Le soir, en rentrant, ils me montrent de nuit tous les grands monuments de Saint-Pétersbourg.
C’est beau, sous la neige. Il fait froid, mais c’est beau.
Le samedi soir, j’ai fait les grandes surfaces russes avec Lirina et son père. J’adore vagabonder dans les rayons et voir ce qu’il y a de différents avec chez nous.

Le dimanche matin, ils me montrent des photos de leur famille.

Je leur parle de ma famille à moi, de la Martinique, de mes cousines « dvoyourodnaya cectra » (eh oui, j’ai mis une semaine avant d’enfin pouvoir le retenir et le prononcer correctement !), de mon chez moi, de mes amis. Je montre quelques photos via facebook,, je leur raconte avec des mots fragiles.

Les petits moments passés avec le groupe. Des petits moments de plaisir. Des bousculades dans la neige. C’est trop tentant. S’écraser et d’enfoncer dans une couche épaisse. C’est froid.
On rit.
Une heure passée dans un salon de thé à manger (encore, et là, on rit de nous) quelques gâteaux, pour fêter l’admissibilité de Ch. à son concours. Le plaisir de savourer la fin, les quelques instants qui s’échappent malgré nous. Savourer le temps qui fuit.

Mercredi soir. On se retrouve pour une soirée musique chez Anna, une amie de Lirina, la corress’ d’A.
On est quatre français et quatre russes je crois. Un moment de musique partagé avec Seb. Souvenirs de secondes. On leur chante des chansons en français, elles nous en chantent en russe. Partager. Je découvre que I. joue du piano.
On rit. On s’amuse.
Une fois rentrées, je ne veux pas me coucher. Dernière soirée. Je remange. Svetlana m’a préparé quelque chose. Je ne dis pas non.
Je prépare ma valise. Svetlana et Lirina sont là, à côté de moi. On papote. Ca sent la fin.
Lorsqu’elle va se coucher, Svetlana me dit qu’elle ne sera pas là demain, elle travaille.

Le lendemain, il faut traîner ma valise, lourde de souvenirs. A l’école, on passe la matinée entre concours franco-russe et cours avec des primaires. Dernier déjeuner en Russie.
Les au revoirs sont déchirants. Lirina et Anna sont en larmes.
J’ai le cœur serré. Pourtant, je suis contente du voyage, contente de les avoir rencontré, contente de m’être trouvé une famille russe, contente d’avoir visité, d’avoir découvert. De la fenêtre du bus, je prends une dernière photo. Des mains qui s’agitent.
Dans l’avion, à côté de Seb, on écoute de la musique. On se marre.
A l’atterrissage, je repense à la lettre que j’ai laissée sur la table de la cuisine, en Russie.
Quelques mots russes griffonnés à une heure du matin. Des mots laissés pour Svetlana.
Des mots maladroits, écrits sur une page arrachée de mon carnet.
Un bout de moi qui restera là bas.

Kanaillou
PS: Merci aux Dames Hérvé et Baudin de nous avoir fait découvrir un bout d'elles...